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ISSN 2496-9346

samedi 30 juillet 2016

Willy, Dans mille ans (1893)

Willy, connu comme mari de Colette, a écrit quelques textes relevant de la science-fiction. L'anthologie de textes proto-steampunk Le Passé à vapeur propose ainsi "Une invention", nouvelle écrite par Willy en 1895. 
Voici un autre texte qui aurait pu figurer dans l'anthologie Les Ruines de Paris car il s'agit d'archéologie future avec comme objet le piano.

DANS MILLE ANS

(Traduit des procès-verbaux de L'Académie des Sciences inutiles, année 2093, folio 69. Rapport sur un instrument trouvé dans les fouilles de Paris).

L'instrument bizarre que nous présentons aujourd'hui fut primitivement destiné à accompagner les danses religieuses, ainsi que le démontrent les cordes et les marteaux qui garnissent l'intérieur de la caisse. On le nommait piano, terme tiré d'une autre langue morte et dont il est à supposer que la signification est « Retentissant » Les bruits qu'il émet sont baroques et désagréables. Du reste, la destination du piano semble avoir été modifiée ; on l'employa communément, en guise de meuble, à ranger les vêtements, et, surtout le cache-jambes appelé « Pantalon » (parce que ses pans traînaient sur les talons), trop long pour être placé en d'autres commodes. Certains servaient aussi de caves à liqueurs ; dans le piano que nous présentons, nous avons trouvé six bouteilles de Champagne en parfait état de conservation.
L'usage du piano se généralisa. Vers le quatorzième siècle (d'autres disent le quinzième) il servait d'instrument de torture domestique; les jeunes filles insoumises étaient condamnées par leurs parents, suivant la gravité de la faute, à 6, 8 et même 10 heures de trituration pianistique par journée.
Sous un dictateur du nom de Carnot — qui n'a pas laissé d'autre trace dans l'histoire — il fut reconnu que l'abus de cet instrument dangereux avait notablement déprimé la race, et qu'il était temps de réagir. Des lois somptuaires furent édictées contre ceux qui se servaient du piano autrement que comme buffet, ou garde-malade. De même que pour les chiens, il y eut les pianos de garde et les pianos de luxe, taxés suivant qu'ils étaient à queue ou acaules.
Le piano que nous offrons à l'Académie appartenait à un nommé Ernest Reyer qui y fourrait les Critiques de cette époque sauvage quand ils avaient dit du mal de ses œuvres.

Willy, « Dans mille ans », in Mascarille, 1893

A lire:
Anthologie: Les Ruines de Paris, collection ArchéoSF, versions numérique et papier disponibles. 
Anthologie Le Passé à vapeur, (contenant un texte de Willy) collection ArchéoSF, versions numérique et papier disponibles

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